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Les Emmy Awards ont désigné, dimanche 15 septembre, Shogun meilleure série dramatique, une première pour un feuilleton non anglophone. Avec vingt-cinq nominations, cette fresque sur le Japon féodal, diffusée en France sur Disney+, était la grande favorite de la catégorie reine, face à des concurrents comme The Crown, Slow Horses ou Le Problème à 3 corps.
« Nous n’avons même pas remis un seul prix ce soir, et pourtant, Shogun est déjà entré dans l’histoire des Emmys », avait souligné l’acteur Daniel Levy en ouvrant la 76ᵉ cérémonie à Los Angeles aux côtés de son père, Eugene. Produite par la chaîne FX, du groupe Disney, la série avait en effet déjà raflé quatorze prix dans les catégories secondaires avant la cérémonie de dimanche, ce qui faisait de Shogun la série dramatique la plus récompensée pour une seule saison. Elle en a reçu quatre autres dimanche, dont le prix de la meilleure réalisation, pour un total de dix-huit trophées – un nombre record de récompenses.
L’adaptation du roman de James Clavell, best-seller des années 1970 qui explore les luttes de pouvoir féodales au pays du Soleil-Levant, a fait un tabac aux Etats-Unis malgré ses nombreux dialogues sous-titrés.
Shogun était le deuxième feuilleton non anglophone nommé dans la catégorie meilleure série dramatique, après la série sud-coréenne Squid Game il y a deux ans. Le film Parasite, Oscar du meilleur film en 2020, avait aussi ouvert la voie. Son scénariste Justin Marks a souligné le pari créatif, effectué par la chaîne FX et son propriétaire Disney, avec ce projet. « Vous avez validé une série d’époque japonaise sous-titrée, très coûteuse, dont le point culminant se déroule autour d’un concours de poésie », a-t-il salué.
La star du feuilleton, Hiroyuki Sanada, a remporté l’Emmy du meilleur acteur. « C’était un projet de rêve où l’Est rencontre l’Ouest », a salué l’acteur japonais, qui prête ses traits à un seigneur fin stratège. L’autre héroïne de la série, Anna Sawai, remarquable en fille d’un samouraï déchu convertie au catholicisme, a été élue meilleure actrice. C’était « le rôle d’une vie », a-t-elle affirmé, très émue.
Le sacre de Shogun confirme que le public américain peut désormais encenser une série en langue étrangère, avec un prisme culturel différent. Environ 70 % des dialogues sont en japonais, et le héros du roman, un marin anglais échoué dans l’archipel nippon, passe dans la série rapidement à l’arrière-plan, au profit des intrigues de cour et des rivalités meurtrières du Japon féodal.
Dans les autres catégories dramatiques, la cérémonie a notamment sacré Elizabeth Debicki, meilleur second rôle féminin, grâce à son incarnation de la princesse Diana dans la dernière saison de The Crown, la saga sur la famille royale britannique.
La série HBO Hacks a, elle, créé la surprise en remportant l’Emmy de la meilleure comédie, face au grand favori The Bear : sur place ou à emporter. Les ressorts comiques de Hacks reposent sur un duo improbable entre une gloire vieillissante du stand-up américain, incarnée par Jean Smart, et une jeune humoriste chargée de renouveler ses blagues, jouée par Hannah Einbinder.
La série a été récompensée pour le scénario de sa troisième saison et Jean Smart a été élue meilleure actrice. « C’est une grande leçon d’humilité, vraiment. J’apprécie cela parce que je ne reçois pas assez d’attention, sérieusement », a remercié la comédienne de 73 ans.
Privée du prix majeur, The Bear a néanmoins récolté onze Emmys, dont une pluie de trophées pour son casting, grâce à sa plongée éprouvante dans l’arrière-cuisine d’un restaurant de Chicago en quête d’une étoile.
Jeremy Allen White et Ebon Moss-Bachrach, qui incarnent deux amis d’enfance devenus chef et maître d’hôtel, ont respectivement remporté le prix du meilleur acteur et celui du meilleur second rôle masculin pour la deuxième année d’affilée. Liza Colon-Zayas, qui campe une cuisinière bourrue, a, elle, été élue meilleur second rôle féminin.
Dans la catégorie meilleure minisérie ou anthologie, réservée aux séries d’une seule saison, c’est la série Netflix Mon petit renne qui l’a emporté. Récit d’un barman de Londres harcelé par une femme atteinte de troubles psychiatriques, cette série présentée comme une « histoire vraie » est fondée sur les mésaventures de son auteur, l’humoriste écossais Richard Gadd. Il a été élu meilleur acteur de la catégorie, face à des poids lourds comme Andrew Scott (Ripley) et Jon Hamm (Fargo). « Quelle que soit la gravité de la situation, elle s’améliore toujours », a lancé M. Gadd, en se remémorant ses années de doute sur scène, vêtu d’un kilt. « Et donc, si vous êtes en galère, continuez à avancer. »
Jessica Gunning, qui incarne sa harceleuse à l’écran, a, elle, reçu le prix du meilleur second rôle féminin. Dans la vraie vie, la Britannique qui aurait inspiré ce personnage a été traquée sur les réseaux sociaux et a porté plainte contre Netflix pour diffamation. Elle réclame 170 millions de dollars (153 millions d’euros) de dédommagement.
Les miniséries comprennent également les anthologies – feuilletons qui gardent le même thème mais qui changent de personnages et de cadre à chaque saison. A ce titre, la quatrième mouture de True Detective a permis à Jodie Foster de remporter le prix de la meilleure actrice. La comédienne y incarne une enquêtrice acharnée dans la nuit polaire de l’Alaska. A 61 ans, elle avait reçu deux Oscars, mais n’avait encore jamais remporté un Emmy.
La cérémonie était présentée par Eugene Levy et son fils, Daniel. Le premier, acteur, réalisateur et scénariste canadien, a notamment joué dans les films American Pie, A Mighty Wind, Magic Baskets ou encore Un amour à New York. Il a remporté l’Emmy Award du meilleur acteur dans une série télévisée comique en 2020, pour son rôle de Johnny Rose dans Schitt’s Creek. Dan Levy avait, lui, obtenu un Emmy Award pour son rôle de David Rose dans Schitt’s Creek également, toujours en 2020.
Cette 76e édition a été marquée par plusieurs moments forts. A moins de deux mois de l’élection présidentielle américaine du 5 novembre, les déclarations politiques ont bien sûr été de la partie. Candice Bergen, qui a interprété le rôle d’une journaliste dans la série Murphy Brown, a rappelé, en présentant un prix, que son personnage – qui choisit d’élever seule un enfant – avait été attaqué à l’époque par le vice-président républicain Dan Quayle.
« Regardez où nous en sommes aujourd’hui : un candidat républicain à la vice-présidence ne pourrait plus attaquer une femme » sur ses choix en matière de maternité, a-t-elle lancé ironiquement en référence à des propos polémiques du colistier de Donald Trump, J. D. Vance, sur les « femmes à chat sans enfants ». « Comme on dit : ma tâche est accomplie. Miaou », a-t-elle ajouté, à l’image de nombreuses femmes, comme la chanteuse Taylor Swift, qui se sont approprié le sobriquet.
Deux ans après la fameuse gifle infligée par l’acteur Will Smith au comédien Chris Rock lors de la cérémonie des Oscars, son homonyme était présent sur scène dimanche pour recevoir le prix du meilleur scénario pour une série dramatique pour Slow Horses. « Tout d’abord : détendez-vous. Malgré mon nom, je viens en paix », a plaisanté le scénariste, au milieu d’une cérémonie plutôt policée.
Les Emmy Awards récompensent aussi un certain nombre de programmes télévisés, séries de télé-réalité ou célèbres « late shows » américains qui analysent avec humour l’actualité. Le présentateur britannique, naturalisé américain, John Oliver, dont le programme Last Week Tonight with John Oliver a remporté un prix, a surpris l’auditoire avec son discours de remerciements.
Il a commencé par remercier son fils Hudson, avec un lapsus en l’appelant « husband » (mari en anglais) avant de se reprendre en riant : « Cela reviendra me hanter. » Il s’est ensuite étendu sur… son chien. « Je veux remercier notre chien. Nous avions un chien fantastique, elle était à notre mariage, elle nous a soutenus durant la pandémie, elle a assisté à deux grossesses », a-t-il énuméré, avant qu’une petite musique lui signale la fin du temps imparti pour son discours. « Super choix musical », a-t-il commenté à propos de la musique, selon lui lugubre, lui rappelant la mort de l’animal. Il a ensuite dédié son prix à « tous les chiens » qui « méritent tous une friandise ».
Rectificatif du 16-9 à 9 h 05 : correction sur l’identité de la personne venue sur scène pour recevoir le prix du meilleur scénario pour une série dramatique.
Le Monde avec AFP
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